Résumés des intervenant.es > Claire Parin et Serge Briffaud

Serge Briffaud

Professeur en histoire des paysages, Ecole Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage (ENSAP) Bordeaux, chercheur au laboratoire Passages

 

Claire Parin

architecte-urbaniste, professeure émérite à l'ENSAP Bordeaux, chercheure au laboratoire Passages    

 

« La pensée du projet au prisme de la recherche-action » 

 

En complicité avec Pascal Nicolas-Le-Strat et Louis Staritzky, nous envisageons la recherche-action comme recherche visant à mettre en mouvement la réalité qu’elle interroge, partant du constat que c’est dans le processus même de sa transformation que cette réalité se révèle. Cela revient à considérer que cette réalité réside d’abord elle-même dans sa disposition à se transformer, ou dans les potentiels devenir qui la constituent et qui peuvent être regardés comme son architecture-même. L’objectif d’une telle recherche est ainsi à la fois et indissociablement l’action et la connaissance, la transformation et l’appréhension d’une réalité. Elle ne s’attache pas à la saisie de ce que les choses sont par essence, ou en substance, au sens de ce qui nécessairement « remonterait » dans chacune des situations où elles seraient transportées. Elle s’attache plutôt à créer des situations qui en travaillent la substance-même et ne permettent de la saisir que dans ses états transitionnels — dans la trame d’un passage.

 

Cette recherche-action-là nous paraît de nature à questionner la notion-même de « projet », telle qu’entendue dans le domaine de l’urbanisme, de l’architecture et du paysage ; mais aussi à aider à construire une critique des pratiques de projet elles-mêmes. Cette critique ne vise pas seulement les pratiques des praticiens (architectes, urbanistes, etc.) mais beaucoup plus globalement les habitus et cadres institutionnels qui contraignent et orientent les projets associés à la transformation des espaces et des environnements. Ceux-ci apparaissent généralement sous-tendus par le recours à des formes de rationalité différentes de celles que mobilise la recherche-action (telle que rapidement définie plus haut). Ils apparaissent également très souvent gouvernés par un principe non assumé de réification des modèles et des concepts dont on fait usage pour comprendre la réalité à transformer. Le problème que cela pose est rendu plus prégnant dans le contexte que forme la crise écologique et les changements globaux. Ce contexte impose à toutes formes de projet d’affronter l’incertitude quant au devenir des réalités qu’il agit, mais qui dans le même temps exalte des formes d’objectivation essentialiste et réductionniste, productrice de formes de projet assimilables par les institutions. 

 

Depuis une quinzaine d’années, certains enseignants-chercheurs des ensap ont développé cette idée d’une épaisseur de la réalité en devenir dans le cadre de l’enseignement du projet d’architecture et de paysage. Dans ces démarches, les propositions de transformation du milieu se constituent par « endomorphisme », à partir des ressources qui émanent d’un territoire et en concertation avec ses habitants. Aujourd’hui, nombre de collectifs de jeunes concepteurs reprennent ces approches à leur compte pour participer à des projets expérimentaux visant à répondre à la complexité des enjeux de la transition écologique en adjoignant une dimension sensible à l’exploration du champ des possibles. De l’ensemble de ces démarches de « recherche-projet » ressortent des modes d’appréhension de la réalité fondés sur des concepts et des notions qui résonnent avec les expériences de recherche-action conduites dans d’autres champs disciplinaires et dont nous pensons qu’ils sont propres à questionner les approches classiques de la recherche.

 

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